Décarbonation N°1

#3 - Des stratégies d'acteurs marquées par les investissements liés à la décarbonation

25.10.21

Les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, leviers de la décarbonation de l'énergie

Avec 76% des émissions globales de gaz à effet de serre estimées à fin 2018 (1), l'énergie constitue de loin le secteur sur lequel les efforts de décarbonation doivent être portés en priorité.

 LES ÉMISSIONS ANNUELLES NET DE CO2 (GTCO2/AN) DANS LE MONDE

Source : International Renewable Energy Agency - Infographie Crédit Agricole

Parvenir à la neutralité carbone (2) à l'horizon 2050 permettrait de limiter l'augmentation de température à la surface du globe à +1,5°C par rapport au niveau préindustriel. Il s'agit donc d'atteindre une neutralité carbone pour l'ensemble des secteurs économiques. Dans son rapport « World Energy Transitions Outlook – 1,5°C pathway », l'International Renewable Energy Agency (IRENA) considère que le scénario 1,5°C serait atteint avec une réduction d'émissions mondiales de CO2-eq de 36,9 Gt/an à l'horizon 2050 par rapport au niveau actuel (soit 1 200 fois les émissions annuelles de la centrale au charbon la plus émettrice), l'essentiel des efforts devant porter sur les secteurs de la production d'électricité et de chaleur (35%) ainsi que sur l'industrie (30%) et les transports (23%).

 RÉDUCTION DES ÉMISSIONS ANNUELLE DE CO2 DANS LE SCÉNARIO 1,5°C DANS LE MONDE

Réduction émissions annuelles CO2
Source : International Renewable Energy Agency - Infographie Crédit Agricole

Contribuant à hauteur d'un quart aux réductions d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050, le développement des énergies renouvelables constitue le premier pilier de la décarbonation. Les mesures d'efficacité énergétique, avec une contribution équivalente, forment également un autre élément fondamental de cette transformation. Elles participent en effet à l'amélioration des standards de performance énergétique ainsi qu'à l'orientation des comportements des acteurs industriels et des individus. Avec une part estimée à 20%, l'électrification, via notamment les pompes à chaleur et le développement de véhicules électriques, contribuera également à décarboner fortement les usages de l'énergie. Enfin, avec une part globale de l'ordre de 30%, l'hydrogène et ses dérivés (incluant les carburants de synthèse), les technologies de captage et de stockage du carbone (CCS) ainsi que le couplage CCS/bioénergies pour la production de chaleur et d'électricité joueront eux aussi un rôle clé dans l'atteinte de la neutralité carbone (ou « Net Zero »).

Des investissements massifs à prévoir et une cadence qui doit s'accélérer

Les investissements à fournir à long terme sont extrêmement élevés et estimés à 131 000 milliards de dollars (soit environ 1,5 fois le PIB mondial 2020) sur la période 2021-2050 (3), dont 115 000 milliards de dollars pour la transition énergétique. Les investissements totaux annuels énergétiques, estimés actuellement à 2 100 milliards de dollars devront s'élever à environ 4 400 milliards de dollars par an en moyenne jusqu'en 2050 pour atteindre le « Net Zero ».

La production d'électricité est caractérisée par une diminution progressive de la part des centrales fossiles et par un développement des énergies renouvelables. Avec une part d'environ 28% en 2020 (4), les énergies renouvelables, dont l'hydroélectricité, ont vu leur importance croître dans le mix de production électrique à l'échelle mondiale depuis 2010 (20%), au détriment de la production à base de charbon qui s'est affaiblie de 5% pour revenir à 35%, la part du gaz naturel restant stable à hauteur de 23%.

Mix-electriques-4-pays
Source : BP Statistical Review of World Energy, RTE - Infographie Crédit Agricole

Le caractère intermittent de la production renouvelable, couplé aux développements massifs à venir des capacités sur le réseau, pose néanmoins de nombreux enjeux pour les systèmes électriques dont l'équilibre offre/demande doit être assuré en permanence.

Différents axes technologiques stratégiques permettront aux États de décarboner plus efficacement leur mix énergétique tout en assurant la stabilité du réseau électrique (5). On peut noter le déploiement de mécanismes de gestion de la demande, le développement des capacités de stockage par batteries, la production d'hydrogène renouvelable, et à plus long-terme, la miniaturisation des centrales nucléaires (pilotables et bas-carbone par nature). La nécessaire expansion des réseaux pour raccorder les sites de production renouvelables décentralisés ainsi que le recours à de nouvelles solutions de stockage devraient mobiliser 22 000 milliards de dollars sur la période 2021-2050 (6).

22000-milliards-dollars
Source : IRENA - Infographie Crédit Agricole

Historiquement les investissements dans la transition énergétique étaient associés à un niveau de risque élevé. La baisse des coûts de production et une meilleure connaissance de ces différentes technologies (éolien, solaire) ont facilité leur financement. Parallèlement, l'essor de la finance dite « verte » a permis le fléchage des capitaux en direction de la décarbonation au travers de nouveaux outils tels que les obligations vertes, obligations sociales, crédits verts ou obligations et crédits durables.

La décarbonation réoriente les stratégies de long-terme des entreprises de l'énergie

En rebattant les cartes des investissements futurs à réaliser, la décarbonation induit des réorientations stratégiques pour les grands acteurs du secteur de l'énergie.

Cela s'est traduit par des investissements accrus dans le secteur des énergies renouvelables, par croissance interne ou externe, y compris pour certaines majors du secteur pétrole et du gaz qui ont mis en place des filiales dédiées et font de ce secteur un axe stratégique de leur développement. Les majors pétrolières devront rivaliser avec certains grands groupes déjà fortement présents sur les énergies renouvelables telles les « utilities » européennes. Le chemin vers la décarbonation sera accompagné d'alliances stratégiques, remodelant un paysage énergétique en pleine mutation.

 

(1) Source : Climate Watch, the World Resources Institute (2020)
(2) On parle de neutralité carbone lorsque les émissions anthropiques nettes de CO2 et, communément par extension les émissions de gaz à effet de serre, sont compensées à l'échelle de la planète par les éliminations anthropiques de CO2 (ou de gaz à effet de serre) au cours d'une période donnée. On parle également de « zéro émissions nettes » ou de « Net Zéro ».
(3) Sources : International Renewable Energy Agency (IRENA) – scenario + 1,5°C
(4) Source : BP Statistical Review of World Energy & Ember
(5) Les centrales à gaz, pilotables et ayant recours à la source d'énergie fossile la moins carbonée, contribuent également à la stabilité du réseau électrique.
(6) Source : International Renewable Energy Agency (IRENA)