Décarbonation N°3

#3 - Le Shipping en route vers la décarbonation

21.11.22

Responsable de près de 3% des émissions de GES, le transport maritime s'est engagé tardivement dans la transition énergétique mais rattrape son retard. En 2018, l'Organisation maritime internationale (OMI) s'est fixé l'objectif de réduire de 50% ses émissions d'ici 2050 (1) et a depuis adopté un arsenal de mesures contraignantes afin de limiter progressivement les émissions individuelles des navires. Mais la stratégie du régulateur international est jugée insuffisante par un nombre croissant d'États soucieux d'accélérer la transition : l'UE prévoit notamment d'inclure le shipping dans son système de quotas d'émissions carbone, ce qui revient à les taxer.

La baisse des émissions passe d'abord par un éventail d'améliorations opérationnelles (la réduction des vitesses généralisée depuis 2008, étant le levier le plus simple) (2) et d'adaptations techniques (optimisation hydrodynamique, dispositifs d'économie d'énergie...) (3) s'appuyant sur de nouvelles technologies telles que l'assistance vélique – l'utilisation du vent – pour réduire la consommation des navires.

Potentiel de réduction des émissions de GES des technologies pouvant contribuer à la décarbonisation du transport maritime
Source : Infographie inspirée par le schéma issu du rapport DNV Maritime 2022, Forecast 2050

Mais une décarbonation radicale exige à terme de transformer les modes de propulsion. S'il n'existe pas de solution miracle pour répondre uniformément aux contraintes d'une flotte hétérogène, plusieurs chemins de transition réalistes sont en concurrence, chacun ayant ses arguments et ses limites, susceptibles d'évoluer au gré des progrès technologiques. Ainsi, l'encombrement du stockage d'énergie limite l'utilisation de l'hydrogène ou des batteries aux navires opérant des traversées courtes, mais des carburants alternatifs – biodiesel, GNL, méthanol ou ammoniac – permettraient de décarboner les grands navires hauturiers. Encore faut-il que les candidats d'origine fossile soient verdis dans leur mode de production, soit sous la forme de biocarburants, soit de « e-fuels » synthétisés à partir d'hydrogène issu d'énergies renouvelables. Cela suppose de développer non seulement les navires mais surtout des chaînes coûteuses de production et d'approvisionnement en carburants verts. Le champ des possibles reste ouvert avec d'autres voies à l'étude comme l'emploi de piles à combustible, la propulsion nucléaire ou la capture de CO2 à bord des navires.

Alors qu'une majorité d'armateurs peinent à s'aligner sur les objectifs de l'OMI, des précurseurs visent la neutralité carbone dès 2050 voire 2040 comme le danois Maersk. Compte tenu d'une durée de vie moyenne de 25 ans, il faut pouvoir disposer de navires zéro-émissions économiquement viables d'ici 2030. Parmi les bons élèves, les leaders européens du conteneur commandent des navires à propulsion duale, fonctionnant au fuel classique mais aussi au GNL ou au méthanol, et certains, comme Maersk ou CMA CGM, collaborent désormais avec des énergéticiens pour s'assurer des approvisionnements réguliers en carburants verts dès le milieu de la décennie. Autre parties prenantes essentielles, les grands hubs portuaires (Singapour-Rotterdam, Los Angeles-Shanghai) s'associent pour développer des « corridors verts » propres à accueillir les premières liaisons zéro-carbone.

Pour autant, les incertitudes portant sur les performances et coûts futurs des carburants en lice, et plus encore sur la disponibilité des ressources renouvelables dont ils dépendent, soumises à une concurrence d'usage avec d'autres industries, restent des freins majeurs pour la transition du shipping qui malgré tout est résolument en marche.

 

Notes :
(1) Sur base 2008
(2) Et également le routage assisté par l'IA, l'entretien plus fréquent des hélices et des coques, l'optimisation de l'assiette et du tirant d'eau lors du chargement...
(3) L'optimisation hydrodynamique concerne la forme des coques, des bulbes d'étrave, des hélices, les systèmes de lubrification produisant un matelas de bulles d'air sous la carène... ; d'autres dispositifs de performance portent par exemple sur la récupération d'énergie du moteur ou de la chaleur des gaz d'échappement pour alimenter les générateurs auxiliaires.