Protocole sanitaire, thérapie et vaccination : les trois piliers du contrôle pandémique
Le contrôle de la pandémie, afin d'éviter les effets sanitaires directs et les effets socio-économiques induits, est une priorité mondiale. En effet, si la mortalité du virus est peu élevée, sa contagiosité a très vite porté atteinte aux capacités hospitalières et de manière générale à l'économie mondiale. Une véritable course scientifique s'est enclenchée afin d'y faire face. Une course à la détermination des caractéristiques physiopathologiques du virus afin d'enclencher des approches protectrices des populations et la mise au point de molécules thérapeutiques et de vaccins anti-SARS-CoV-2.
Protocoles sanitaires : deux types d'approches
Cette mobilisation mondiale inédite a vu une collaboration scientifique sans précédent et est devenue un enjeu géopolitique de première importance.
Une carte d'identité virale obtenue très rapidement
Dès février 2020, le génome du SARS-CoV-2 a été décrypté et largement partagé par la communauté scientifique. Cette information a rapidement permis de déterminer non seulement la phylogénie du virus mais également les éléments essentiels à sa réplication, cibles potentielles pour une approche thérapeutique ou vaccinale. En quelques mois, les connaissances accumulées sur ce virus ont été supérieures par exemple aux connaissances accumulées en plusieurs décennies sur le virus HIV.
Nombre de publications sur le génome du SARS-CoV-2
Ces avancées ont permis de déterminer et d'affiner les protocoles sanitaires mais ont également permis des avancées spectaculaires sur le terrain thérapeutique et vaccinal.
Thérapie : Quand l'espoir de la molécule miracle s'éloigne
Compte tenu de l'urgence liée à la pandémie, le développement d'une molécule antivirale spécifique a d'emblée été écarté. L'utilisation par analogie de médicaments déjà commercialisés est alors devenue la voie privilégiée afin d'obtenir des résultats cliniques dans un délai record. De nombreuses molécules ont ainsi été testées in vitro et in vivo chez l'animal afin de déterminer leur efficacité sur les différentes étapes du cycle viral. Certaines sont ensuite entrées directement dans des essais cliniques de phase III à même de démontrer leur efficacité chez l'homme.
Temps de développement d'une molécule antivirale
Ces neuf derniers mois ont été marqués par des annonces tonitruantes, le plus souvent suivies de désillusions, certaines molécules ont d'ailleurs défrayé la chronique comme l'hydroxychloroquine (HCQ), le remdesevir ou le lopinavir. Le plus grand essai réalisé à ce jour sous l'égide de l'OMS (essai Solidarity) montre qu'aucune des molécules testées n'est efficace. Démontrant ainsi que le brouhaha médiatique ne suffit pas à valider une molécule, voire peut parasiter le déroulement de certains essais cliniques comme dans le cas de l'hydroxychloroquine.
Seuls les corticoïdes, comme la dexaméthasone, semblent avoir un effet sur les formes graves et avancées de la maladie en limitant le phénomène d'inflammation. Une voie thérapeutique spécifique a toutefois été entreprise via l'utilisation d'anticorps neutralisants spécifiques de SARS-CoV-2 provenant de malades infectés ou produits par génie génétique. Le produit de Regeneron Pharmaceuticals, traitement administré au président des États-Unis, est basé sur cette approche. Toutefois, le coût de production de ces produits ainsi que leur profil de sécurité n'en feront pas des produits à utilisation large.
Il n'y aura donc pas de molécule thérapeutique miracle à l'horizon de plusieurs années. L'utilisation raisonnée d'antiviraux, d'antibiotiques et d'anti-inflammatoires existant seuls ou en combinaison et adaptés de manière précise au stade de la maladie est la seule solution à court terme. Ceci doit être rapproché de l'évolution des protocoles hospitaliers. Ces derniers ont en effet évolué afin de limiter le passage en réanimation et l'intubation systématique via l'utilisation de l'oxygénation à haut débit par exemple. Non seulement ces adaptations permettent de lisser la charge hospitalière mais également de limiter les effets invalidants des protocoles de réanimation.
Dans ce contexte, l'approche vaccinale devient plus que jamais l'arme ultime et essentielle afin de contenir la pandémie en limitant la transmission.
Quand un vaccin devient un enjeu géopolitique
44 vaccins sont actuellement en développement clinique à travers le monde dont 11 en phase III, démontrant une mobilisation sans précédent des acteurs et un niveau de financement inédit par les pouvoirs publics, permettant une réactivité sans commune mesure avec le temps normal de développement d'un vaccin.
Les étapes de validation d'un vaccin
L'ensemble des candidats vaccins anti-SARS-CoV-2 font appel à toutes les technologies et approches vaccinales connues à ce jour. Deux des produits les plus avancés sont basés sur une approche très innovante appelée vaccination ARN qui utilise directement l'information du génome viral afin de provoquer une réponse immunitaire protectrice.
Quatre approches pour un vaccin
Pfizer, qui le premier a présenté des résultats positifs de phase III, est allié à la société allemande BioNtech ; la société Moderna lui a emboîté le pas en publiant également des résultats positifs. Ces faits démontrent la position incontournable des sociétés de biotechnologies dans la R&D pharmaceutique moderne. Si les résultats présentés sont très encourageants et porteurs d'espoir comme en témoigne la vague d'optimisme des marchés financiers, quelques précautions doivent être prises.
Ces résultats sont en effet des résultats intermédiaires et n'apportent que des éléments partiels en ce qui concerne la durée d'immunisation. L'utilisation d'un vaccin à base de matériel génétique serait une première mondiale et le profil d'innocuité n'est pas encore déterminé dans le cadre d'une vaccination globale à long terme. Enfin, la fragilité du matériel à injecter pourrait poser le problème de la logistique de distribution.
D'autres candidats vaccins, issus d'approches plus traditionnelles sont en cours de phase III comme le candidat GSK/Sanofi ou le vaccin à base d'un adénovirus d'Astrazeneca. A noter également l'avance affichée du vaccin russe et des vaccins chinois pour lesquels toutefois nous n'avons pas de détails sur l'efficacité réelle et les protocoles utilisés.
Candidats vaccins en phase III
Il semble désormais clair, que le monde aura accès au deuxième semestre 2021 à un ensemble de vaccins qui auront des spécificités (efficacité, innocuité, praticité) qui permettront une adaptation populationnelle des vagues vaccinales. Nous avons été spectateurs durant les derniers mois d'une véritable prouesse technologique. Comme en temps de guerre, les recherches, les approches, les réglementations ont su évoluer afin d'atteindre un objectif impensable en mars 2020. Cet effort a été aiguillonné par le contexte géopolitique, être le premier pays au monde à développer un vaccin est devenu le graal de nombreux pays et un enjeu politique fort. Comme nous l'avons constaté dans les efforts de communication du président des États-Unis, de la Chine ou de la Russie.