La désertification médicale en chiffre
Le phénomène de désertification des territoires affecte en premier lieu les consultations de médecins spécialistes. Ces praticiens seront sans doute les plus sollicités pour des actes de télémédecine.
Une offre insuffisante
- L'offre de médecine générale est insuffisante dans 43 départements soit 52% de la population.
- L'offre de médecine spécialisée est insuffisante dans 69 départements soit 55% de la population.
- On trouve 1 médecin généraliste pour 100Km² en Lozère contre 17,5 médecins pour 1km² sur Paris.
Des divergences suivant les régions et les spécialités
- L’ophtalmologie de ville est la spécialité la plus en souffrance avec plus de 2 mois d’attente (moyenne nationale) pour un nouveau rendez-vous.
- Dans la Loire il faut attendre près de 205 jours pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue. Des délais similaires sont observés dans le Finistère, l’Isère et la Seine-Maritime.
- On ne trouve que 2 ophtalmologues exerçant en Lozère.
- A l’inverse, vous attendrez moins de 40 jours pour un rendez-vous chez un ophtalmologue à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.
- Il n’y a plus aucun gynécologue installé en Lozère et dans le Jura, et aucun dermatologue installé dans la Creuse.
- La densité de médecins spécialistes peut être sept fois moindre d'une zone à l'autre.
- A l’exception du Val-de-Marne, les territoires carencés en médecins généralistes le sont également en médecins spécialistes.
Selon une enquête réalisée par la DREES auprès de 40 000 personnes sur les délais d’attente en matière d’accès aux soins, un rendez-vous sur deux avec un médecin généraliste est obtenu en moins de deux jours. Source : Ministère des solidarités et de la santé.
Des urgences qui s’encombrent
- 19% des admissions aux urgences sont in fine du ressort de la médecine de ville. C’est autant qu’en Italie, mais moins qu’en Belgique (56%) qu’au Canada (25%) et qu’au Portugal (31%). Source: La Cour des comptes, 2014.
- Depuis 20 ans, le volume des passages aux urgences augmente en moyenne de +3,5% par an.
- Le temps d’attente moyen aux urgences est de 3h34 dans le Grand Est, 3h en Pays de la Loire, et 2h40 en Ile-de-France et en Occitanie.
- 51% des patients ont été capables de venir par eux-mêmes, mais 49% ont été transportés dont 32% par des institutions (Samu, ambulances, pompiers, police, etc.).
- 75% des services d’urgence sont tenus par des établissements publics, 18% par des établissements commerciaux et 7% par des établissements non lucratifs.
La télémédecine : une solution ?
La télémédecine participera à la lutte contre la désertification médicale des territoires où une population vieillissante voit ses besoins croître et sa mobilité se réduire. Le développement des infrastructures numériques de ces dernières années autorise à présent son déploiement national d’autant que des industriels proposent déjà des solutions d’auscultation à distance.
Citons pour exemple, la cabine Consul Station de la société iséroise H4D, le fauteuil Check@Flash de la société Stream Vision.
Bernard Monsigny
« Paris Healthcare Week 2018 : une fenêtre sur le secteur de la santé de demain ! »
La télémédecine est étroitement liée aux avancées technologiques
Les moyens de communication
Le développement rapide des applications mobiles en 4G, et prochainement en 5G (dont la diffusion est prévue à partir de 2020–2022), est annoncé comme une étape décisive du déploiement de la télémédecine, notamment de la télésurveillance à domicile.
Le raccordement progressif à la fibre d’ici à 2030 des établissements sanitaires, des établissements médico-sociaux et des professionnels libéraux de santé accroîtra cette capacité, en prévision de la montée en charge de l’e-santé.
Le cadre d’interopérabilité
L’absence d’unité de lieu, voire d’unité de temps impose, lors de la réalisation des actes de télémédecine, des échanges de données médicales et de facturation qui plaident pour la définition d’un cadre d’interopérabilité.
Le paiement à distance
Si la mise en place de solutions permettant le paiement à distance ne trouve pas d’utilité dans le cadre d'expérimentations compte tenu du paiement intégral par l’assurance maladie obligatoire, celles-ci sont nécessaires s’agissant d’un déploiement dans un cadre de droit commun.
Un bilan favorable à confirmer…
Des défis identifiés en voie de résolution
- Un dossier médical partagé généralisé à terme
- Une identification standardisée des patients obligatoire en 2020
- Une authentification des professionnels de santé à appliquer dans les établissements de santé
- Un retard à combler en matière de dématérialisation et de sécurisation des prescriptions et des messageries
Plusieurs évaluations des coûts et gains potentiels sont actuellement en cours. Mais la télémédecine semble un élément incontournable du pacte territoire santé face au vieillissement de la population.
Dans son rapport remis en 2017, la Cour des comptes relève que plusieurs expérimentations de télémédecine ont produit des résultats favorables pour les patients, notamment en matière de dermatologie, d’urgences neurologiques (AVC notamment) et de télédiagnostics à partir de transferts d’images.
Cependant, elles souffrent de trois faiblesses intrinsèques :
- leur dépendance à l’égard de l’investissement personnel des médecins porteurs de projet,
- l’hétérogénéité des périmètres et des niveaux de soutien en fonctionnement et en investissement
- et, le caractère non pérenne du soutien financier du Fonds d’investissement régional.
Un enjeu démographique
L’enjeu est surtout démographique et sociétal : en effet, selon l’INSEE dans son article intitulé « Projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050 », un habitant sur trois sera âgé de 60 ans ou plus. Le vieillissement implique une prévalence des maladies chroniques et une prise en charge complexe de patients atteints de polypathologies, exigeant une coordination renforcée.
Dès lors, la télémédecine est un élément incontournable du pacte territoire santé pour lutter contre les déserts médicaux et donner l’accès à tous les Français à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire national.
Ces nouvelles pratiques permettent de mutualiser les expertises et compétences médicales rares pour assurer une permanence des soins et créer l’esprit collaboratif nécessaire à la mise en place de parcours de soins coordonnés et gradués au sein du territoire, en y intégrant la médecine ambulatoire. La e-santé est en marche et cette évolution inéluctable bouleverse les pratiques existantes.
Mais présente également un intérêt économique : la Cour des comptes cite notamment une étude portant sur un réseau de télémédecine de prise en charge des plaies complexes évaluant les dépenses d’hospitalisation évitées à près de 4 600 € par patient sur neuf mois.
Les gains financiers générés par la télésurveillance sont, quant à eux, encore plus considérables. Une étude réalisée par IBM Santé en 2012 chiffrait, quant à elle, à 2,6 Mds € le montant d’économies annuelles réalisables au titre de la prise en charge de 3 pathologies chroniques (diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque) et d’un facteur de risque (hypertension artérielle).
Plusieurs études d’évaluation des coûts et gains potentiels sont actuellement en cours. Les premiers retours sont attendus dès 2019. Force est de constater que si la LFSS2018 donne un coup d’accélération à la télémédecine, les résultats des études d’efficiences thérapeutiques et d’évaluations des coûts économiques seront les réels moteurs de généralisation des process de télémédecine, et plus généralement d’e-santé.
Le saviez-vous ?
Densité départementale des médecins spécialistes
L’analyse de la densité de médecins spécialistes par département met en évidence une dispersion encore plus accentuée que pour les médecins généralistes : pour 59 départements (43% de la population) le niveau de l’offre est significativement inférieur à la moyenne nationale.