Le cancer figure parmi les maladies les plus meurtrières en France avec près de 150 000 décès par an. Face à l’augmentation et au vieillissement de la population, le nombre de nouveaux cas augmente mécaniquement chaque année avec 400 000 Français touchés par le cancer en 2018.
Néanmoins, grâce au progrès médical et à des traitements de plus en plus ciblés et efficaces, la mortalité a diminué de près de 2% depuis 2010. Ces chiffres peuvent également s’expliquer par un meilleur dépistage de la maladie qui, détectée tôt, améliore significativement les chances de survie du patient.
À titre d’exemple, le cancer colorectal, 2e cancer en termes de mortalité, affiche un taux de survie à cinq ans de 90% s’il est détecté à un stade précoce (in situ ou stade 1), alors qu'il n'est que de 13% en présence de métastases. Le diagnostic précoce des cancers est donc un enjeu majeur en termes de survie des patients. Aujourd’hui, ce diagnostic est essentiellement posé par les examens sanguins et l’imagerie médicale dont on peut constater de belles avancées scientifiques et technologiques.
Vers des tests sanguins pour détecter précocement un grand nombre de cancers ?
Grâce aux progrès de la recherche, les scientifiques ont réussi à caractériser certains marqueurs sanguins en fonction du type de cancer. Il s’agit en général de protéines produites de manière anormalement élevée par les cellules cancéreuses, par exemple l’antigène PSA pour le cancer de la prostate ou l’antigène CA 125 pour le cancer des ovaires, du col de l’utérus, des poumons. Cette recherche de biomarqueurs passe par une prise de sang qui peut être réalisée à titre préventif ou en cas de suspicion de cancer. Néanmoins, ces analyses de sang ne sont pas fiables à 100% dans la mesure où un excès de ces protéines peut découler d’autres infections qui n’ont rien à voir avec un cancer. La présence de ces biomarqueurs apparaît aujourd’hui plus comme un indice pour le diagnostic qui sera posé après des tests complémentaires. Il n’existe donc pas encore de test sanguin miracle pour détecter précocement le cancer, et la recherche de ce graal a fait l’objet de fortes désillusions si on se réfère à la start-up américaine Theranos dont la solution était sensée dépister un grand nombre de maladies à partir d’une simple goutte de sang. La société qui a levé jusqu’à 700 millions € s’est finalement écroulée au cœur d’une vaste escroquerie autour de sa technologie.
Néanmoins, grâce à une meilleure connaissance des mécanismes de cancérisation, les chercheurs ont franchi un cap, source d’espoir en travaillant directement sur les cellules cancéreuses et l’ADN tumoral présents dans le sang.
L’équipe de Patrizia Paterlini-Bréchot, professeur en biologie cellulaire et oncologie à l'Université Paris-Descartes, a récemment fait parler d'elle avec un test de dépistage (test ISET) qui marque une avancée très nette. Le test repose sur l’isolation des Cellules Cancéreuses Circulantes (CCC), marquant le début de l’invasion du cancer bien avant que les métastases ne se forment. Les CCC sont présentes dans tous les types de cancers solides et ce nouveau test sanguin permet d’isoler sans pertes tous les types de CCC et de les identifier de façon diagnostique, c’est-à-dire sans erreur, par rapport à d’autres cellules rares non tumorales qui sont dans le sang. Les résultats de ce test sont extrêmement encourageants affichant un seuil de détection dans 83 à 100% des cas.
CancerSEEK est un nouveau test sanguin, qui permet de rechercher dans le sang les mutations de seize gènes dans l'ADN circulant et huit biomarqueurs protéiques pour détecter la présence de huit cancers (ovaire, foie, estomac, pancréas, œsophage, côlon-rectum, poumon et sein). Ce test a non seulement la capacité de détecter les cancers à un stade précoce, mais également de localiser l’organe touché. Les résultats s’avèrent prometteurs avec des études faisant ressortir 70% de diagnostics positifs, allant de 33% pour le cancer du sein à 98% pour le cancer de l’ovaire.
La révolution de l'imagerie médicale grâce à l'IA
L’imagerie médicale est également en train de vivre une révolution dans la détection précoce des cancers. Si les technologies actuelles sont utiles pour poser le diagnostic, elles ne peuvent en général révéler que des tumeurs ayant déjà une certaine taille, en deçà de laquelle un cancer à un stade plus précoce passe inaperçu. De nouvelles technologies d’imagerie moléculaire commencent à émerger permettant de stimuler l’activité métabolique des cellules cancéreuses et ainsi de mieux les détecter à un stade plus précoce. Ce qu’on peut qualifier de « médecine nucléaire » repose sur l’utilisation de produits radio-pharmaceutiques, traceurs radioactifs à très courte durée de vie, ayant la propriété d’être absorbés plus rapidement par les cellules tumorales.
La médecine nucléaire offre un formidable potentiel pour le diagnostic du cancer. La mesure de l’activité biologique de cellules individuelles permet de visualiser de très petits cancers et, comme les molécules marquées circulent dans le corps entier, un cancer qui s’est propagé peut être détecté en même temps que la tumeur primitive.
Par ailleurs, les nouvelles approches de modélisation liées aux avancées en physique de l'IRM, en simulation numérique, en IA et en calcul à haute performance vont radicalement bouleverser le segment de l’imagerie médicale dans le diagnostic du cancer. Ces transformations vont permettre d’accéder à l'organisation cellulaire du tissu avec une infime précision et de développer des IA capables d’intégrer des quantités gigantesques d’informations et de présenter des diagnostics bien plus précoces avec une caractérisation bien plus précise des tumeurs cancéreuses même de petite taille tout en assurant une faible variabilité dans l’interprétation.
De nombreuses start-up ont investi le créneau et ont présenté des résultats très prometteurs. La start-up Therapixel a acquis sa notoriété sur le marché de l’imagerie médicale en remportant le Digital Mammography Dream Challenge en 2017 avec son IA d'aide à la détection des cancers du sein. Dans une étude clinique en cours de publication, Therapixel a montré qu'associer l'IA au radiologue augmente sa performance.
Dans un futur proche, ces solutions devraient se généraliser et s’imposer comme le compagnon idéal des radiologues qui pourront dégager plus de temps vers les analyses complexes et laisser les IA en première lecture sur des analyses d’images simples.